Florent-Charles Gasser​

Florent-Charles Gasser : un chasseur de hasards

Tout est permis, tout est possible, pourvu que derrière le tableau apparaisse l’homme tel qu’il est.

Le geste spontané subvertit nos acquis, ravive l’acuité de l’acte créatif, alors je cherche à laisser jaillir des territoires de l’enfance l’intention première, la nature dépositaire de toutes les puissances essentielles à la capacité d’être,
Être et s’étonner,
Être à s’enivrer,
Être forme et couleurs.

Transformer la fureur tribale en message subliminal.

J’accumule des émotions qui se sont déposées, formant des strates, et puise mon expression dans la matière même de mon expérience, et j’abandonne à ma main le geste créatif, visionnaire et incantatoire.

Quand la partie commence, quand je peins, je ne sais pas toujours ce que je vais faire. Une couleur en appelle une autre. Mais le tableau me hante, il existe déjà, et il est transfiguré par la gestuelle.

C’est là l’expérimentation du hasard. Il s’agit d’une abstraction lyrique. Alors je ne suis plus de ce monde, je suis loin de moi-même.

Ma vérité est dans l’action. J’ai le désir quotidien de faire naître l’œuvre qui m’habite depuis si longtemps.

C’est en regardant les enfants peindre ou dessiner que j’ai compris ce qu’est le geste spontané, l’impulsion poétique naît de leur innocence et de leur vision d’une parfaite innocuité.

Avec la peinture, j’ai la conviction que je peux délester mon esprit et retrouver la liberté jubilatoire de la création. Enfermé dans ma solitude, j’entends bien cerner les limites de mon domaine réservé, qui sont immenses. Elles gênèrent en moi des images qui bouillonnent, favorisant l’incitation à la débauche de l’esprit qui devient la matière de mon geste, accumulant des visions dans ma mémoire, elles s’y déposent en couches géologiques.

Ces images ressortent soudain dès que j’en fracasse le filon au marteau-piqueur de mon pinceau ou de mon couteau.

Je deviens alors le prospecteur de ma propre mine et n’entends suivre les conseils d’aucun ingénieur de l’art, d’aucun cadre dynamique du marché, pour décider quelle galerie souterraine de mon inconscient je vais décider d’exploiter.

L’art et la vie ne font qu’un.

Si l’artiste est sincère, il nous touche et nous rapproche de notre propre destin d’homme.

L’art nous intime d’être.
Être et s’en étonner,
Être s’enivrer,
Être forme et couleurs.